Muets, les animaux le sont encore, le cinéma ne l’est plus depuis 1929. Sans vouloir remonter dans le temps, les animaux n’ont jamais quitté les plateaux de tournage, il leur arrivait même parfois, de ne plus pouvoir en repartir vivants. Le bien-être animal, décrit uniquement pour les espèces dites domestiques ou d’élevage, n’est pas un effet de mode mais bel et bien une attente sociétale forte et croissante qui replace le sujet de la relation que nous avons tous à l’égard du vivant sur le devant de la scène. Il s’inscrit dans un contexte technique plus large dont certains aspects sont réglementés, celui de la protection des animaux (santé, sécurité et bien-être), domestiques ou sauvages, pour toute production de film ou de spectacle, sur scène, dans les rues ou sur un plateau de tournage. Vous trouverez ainsi dans ce document quelques aspects qui vous aideront certainement à passer du désir à l’action, celui de considérer pleinement la condition des animaux qui accompagnent vos projets de divertissement.
Le régime de protection minimal qui s’applique aux animaux de compagnie en Europe date de 1987
Protéger les animaux pour la réalisation d’un film, d’une publicité ou en direct, sous les feux des projecteurs, c’est considérer que ces acteurs d’un autre genre seront exposés pendant un laps de temps assez court à des contraintes environnementales très différentes de celles des lieux d’hébergement habituels. Le plus souvent, les animaux vivent dans des établissements agréés (1) pour l’élevage, la garde et la détention des animaux domestiques ou non domestiques et captifs, où se font les entraînements au quotidien. La préparation aux conditions d’un tournage s’exécute évidemment dans ce lieu bien connu des animaux, seul endroit où ils ont tous leurs repères et pris leurs marques. Tout ceci n’exclut évidemment pas une nécessaire préparation sur le futur lieu de tournage, facilitant ainsi l’adaptation et laissant à l’animal le temps de s’approprier le lieu, les nouvelles personnes, les nouvelles odeurs ou bruits. Ce sont des éléments
indispensables à envisager afin d’éviter certains incidents, des refus de l’animal le jour du tournage et l’habituer progressivement aux facteurs de stress très nombreux qu’il lui est incapable d’intégrer spontanément tous en même temps. Il est donc question de bien-être animal ; en le considérant avec toutes les équipes techniques, les possesseurs de l’animal, ses dresseurs, vous optimisez vos chances de succès et diminuer le nombre de prises in fine. Pensez-y avant la réservation et la location des lieux.
Selon la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie de 1987, un traité international adopté par le conseil de l’Europe et ratifié par la France le 03 octobre 2003, les organisateurs de manifestations, publicités, spectacles et films doivent anticiper et sécuriser l’accueil des animaux, qu’ils soient détenus par des dresseurs ou des particuliers, dans des conditions respectueuses de leur santé, de leur bien-être et de leur sécurité, en évaluant les risques encourus par l’animal et ceux qu’ils peuvent faire encourir aux autres (cf Article 9 convention STCE). A moins qu’il n’existe de législation nationale plus contraignante, la convention européenne fait foi dans le droit français.
Article 9
–
Publicité, spectacles, expositions, compétitions et manifestations semblables
1 – Les animaux de compagnie ne peuvent être utilisés dans la publicité, les spectacles, expositions, compétitions ou manifestations semblables, à moins que :
– a, l’organisateur n’ait créé les conditions nécessaires pour que ces animaux soient traités conformément aux exigences de
l’article 4, paragraphe 2, qui est décrit comme suit : « Toute personne qui détient un animal de compagnie ou s’en occupe doit lui procurer des installations, des soins et de l’attention qui tiennent compte de ses besoins éthologiques, conformément
à son espèce et à sa race, et notamment :
a – lui fournir, en quantité suffisante, la nourriture et l’eau qui lui conviennent ;
b – lui fournir des possibilités d’exercice adéquates;
c – prendre toutes les mesures raisonnables pour ne pas le laisser s’échapper. » et que,
– b, leur santé et leur bien-être ne soient pas mis en danger.
Le casting d’un animal : au-delà des critères physiques et esthétiques
Un responsable de casting a toujours une fiche descriptive très précise de l’animal qu’il souhaite obtenir pour le rôle, un chien de race nordique avec les yeux bleus, pas trop jeune, les oreilles dressées et l’allure svelte pour exemple. Il sait déjà où trouver cette perle rare mais il lui faut certainement une doublure, surtout pour les étapes préparatoires, la lumière, les cadrages etc… Mais qu’en est-il de son caractère, son vécu, sa faculté à s’adapter au scénario ? A-t-on déjà à ce stade un degré d’exigence ? D’où vient-il et que deviendra-t-il ensuite si cet animal qui a été commandé et préparé pour la mise en scène, n’est par la suite plus candidat à l’adoption dans une famille ou ne laisse profiler aucun avenir d’acteur pérenne ? La personnalité de l’animal prend dès lors toute son importance ! L’évolution des connaissances scientifiques acquises sur l’animal de compagnie place aujourd’hui le trait de tempérament d’un individu au même niveau que celui des caractéristiques biologiques et comportementales de l’espèce.
Le dernier avis de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) de 2018 permettant de définir le bien-être animal, terme utilisé dans les textes réglementaires protégeant les animaux appropriés par l’homme, repose sur les caractéristiques psychiques des animaux domestiques, êtres sensibles et doués de différents niveaux de conscience. Ainsi « Le bien-être d’un animal est l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal ». Vous l’avez donc compris, l’état mental de l’animal et sa faculté d’adaptation à un environnement est crucial pour son bien-être, il n’est plus uniquement question ici de satisfaction des besoins de l’animal. Il doit avoir la faculté de coopérer librement, d’exprimer des signaux de bien-être comme de mal-être et de pouvoir se retirer d’une situation anxiogène ou blessante au regard de son ressenti, son vécu, l’anticipation de certains évènements plaisants ou déplaisants, son état émotionnel, celui de l’instant présent, sa perception subjective donc individuelle que peu de personnes peuvent ou savent distinguer avant de passer à l’action.
Les relations contractuelles définissent les niveaux de responsabilités
Mieux vaut prévenir que guérir dit si bien l’adage. Les relations contractuelles qui s’établissent souvent entre le dresseur responsable de l’animal ou son détenteur et la production peuvent nécessiter une mobilisation de moyens considérables permettant d’accueillir un animal sur un lieu inhabituel (comme parfois à l’étranger), de prévoir du matériel de transport adapté, suffisamment de nourritures et de litières, des structures de locaux d’accueil adapté et indolores, des temps de travail comme de repos, le recrutement d’une société de gardiennage jour et nuit, des assurances adaptées…Evidemment,
les étapes préparatoires en amont du projet sont cruciales, elles nécessitent une bonne connaissance des contraintes relatives aux tournages avec les animaux, de leurs impératifs biologiques, de leur tempérament et leur faculté d’adaptation à l’intégralité des caractéristiques spécifiques de ce nouvel environnement tant sur le plan sanitaire, sur l’état de la biodiversité locale, les saisons, la météo, le personnel et le public présent… toutes ces particularités qui auront un impact sur l’animal ne sont pas toujours connues de tous et les intégrer ou les ajuster sur un plan contractuel est tout à fait
légitime. Selon le juriste Eric Barbry (2), « Ainsi, il n’est pas de pure forme que de prévoir très précisément dans les relations contractuelles entre un utilisateur (cinéaste, publicitaire…) et le prestataire professionnel ou privé, lequel devra supporter la charge de la garde de l’animal de spectacle à toutes les phases de celui-ci. »
Un organisateur, une société de production ou un réalisateur selon le contrat auquel il est lié, a ses propres obligations de résultat à l’égard de l’animal, sur la conservation de sa bonne santé et de son bien-être. Il doit ainsi définir les moyens propices au respect de la condition de l’animal sur le tournage ou le spectacle et peut donc s’entourer d’une équipe solide, préparée et appropriée pour s’en donner les moyens. Le dresseur, l’éducateur, le soigneur, le particulier détenteur de l’animal, doivent se conformer à l’article 7 de cette même convention (STCE) pour que « Aucun animal de compagnie ne soit
dressé d’une façon qui porte préjudice à sa santé et à son bien-être, notamment en le forçant à dépasser ses capacités ou sa force naturelles ou en utilisant des moyens artificiels qui provoquent des blessures ou d’inutiles douleurs, souffrances ou angoisses. ». Un tel texte lui confère une responsabilité sur le niveau de connaissances de son animal, certes, mais bien au-delà de ce que l’on peut exiger pour l’acquisition d’un certificat de capacité, avoir en quelque sorte l’aptitude à reconnaître les signes de douleur, de stress ou de maladie de son animal pendant le travail, le transport et au repos.
Avez-vous pensé aux experts en bien-être animal ou aux vétérinaires conseils dans vos équipes ?
Quel chemin a-t-on parcouru désormais pour professionnaliser la protection des animaux sur les lieux de tournages ? Des experts ont su s’adapter pour passer derrière la caméra et adresser leurs conseils le plus en amont possible de votre réalisation, en s’intéressant d’un peu plus près aux données scientifiques qui sous-tendent la mise à jour des textes réglementaires applicables pour encadrer cette activité et garantir de bonnes conditions de tournage pour tous. En préparant dès la conception du scénario, du script ou en participant à l’étape de pré-production, les experts en bien-être
animal, les vétérinaires conseils en responsabilité, santé et bien-être, à l’égard de l’animal vous aident à affiner suffisamment votre projet pour ne pas avoir besoin de solliciter des contrôles ou des certifications dites « sans souffrance animale ». Ils vous apporteront une expertise pour protéger les animaux qui sont sous votre responsabilité pendant le tournage, respecter au mieux les besoins des différentes espèces, leurs impératifs biologiques en conformité avec la réglementation mais également les particularités individuelles, ils feront appel aux meilleurs experts en cas de besoins
spécifiques et s’appuieront sur les guides de bonnes pratiques référentes en la matière. Ils vous notifieront les critères et points de vigilances à inscrire par voie de contrat entre chacune des parties. En les sollicitant, de par leur indépendance et leur regard extérieur, vous évitez le biais classique et souvent pénalisant pour l’animal lui-même, celui d’être à la fois juge et partie dans son métier lorsque l’on contribue à préparer et mettre en scène
soi-même un animal pour un tournage, il est alors difficile d’voir la force de dire stop ou de tout arrêter dans le feu de l’action au profit de son animal. La complémentarité des professionnels animaliers est la clé, toute collaboration étroite entre cinéastes, dresseurs et vétérinaires, est un préalable pour garantir une parfaite adéquation entre les séances de travail et les aptitudes naturelles de chaque individu sélectionné, leur évitant ainsi toute situation qui pourrait générer stress, angoisse, douleur ou souffrance et contribuer ainsi favorablement à l’image positive du 6 ème ou du 7 ème art auprès du
grand public.
(1) Arrêté du 25 octobre 1982 et arrêté du 10 août 2004
(2) BARBRY E., Les animaux de spectacles, Victoires Editions Legicom, 1995/3 N° 9 | pages 21 à 26